L’ART ABSTRAIT DOIT-IL ÊTRE « COMPRIS » ?

Il serait scandaleux de laisser perdurer l’idée que l’abstraction serait soit n’importe quoi, soit une forme d’expression artistique réservée à une intelligentsia, seule capable du fait de son bagage culturel d’y « comprendre » quelque chose.
Toute démarche artistique est un partage. Sans interaction, l’œuvre n’a plus d’existence, ou du moins devient inerte. Mais cette interaction, seule façon véritable de « comprendre », ne peut être exclusivement analytique, elle doit être avant tout instinctive, sensorielle, car si grandes que soient nos connaissances ou notre capacité à raisonner, on ne pourra jamais appréhender l’art uniquement de manière cartésienne, au même titre qu’on ne peut pas comprendre l’âme par la dissection d’un corps.
Bien sûr, l’analyse factuelle n’est pas à proscrire, et il n’est pas moins intéressant de se pencher sur les techniques utilisées, la composition ou le contexte qui auront vu la naissance d’une création, que sur l’esprit et l’intention qui y ont présidé ; mais c’est par l’ouverture d’esprit, la contemplation et par le voyage émotionnel qu’une véritable approche pourra se faire.
L’abstraction n’est pas seulement le fait de l’artiste, le public doit lui aussi, à son tour, faire abstraction de son bagage, de ses idées préconçues ou même de son entourage direct, pour devenir la toile vierge où viendront se poser les émotions, tragiques ou joyeuses, douces ou violentes, proposées par l’artiste, et atteindre une forme de compréhension purement personnelle, unique, intime, et par conséquent juste.

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